LE PROCÈS DU PANTHÉON
Deuxième partie
4 JUIN – 10 et 11 SEPT 1908.
Dans cette série de messages pour ce blog, vous pouvez lire des extraits du Procès du Panthéon.
Très peu de détails sur cet événement de grande importance sont publiés à ma connaissance.
Pour vous démontrer à quel point le résultat du jury fut ignoble, selon moi, je transcris ici quelques pages.
Ces pages sont aussi publiées dans le Forum des Cahiers-Naturalistes.

QUESTION

Si Grégori était jugé 100 ans plus tard, connaîtrait-il le même jugement ?


André PAILLÉ

Source (Copie de la page couverture)

LE PROCÈS DU PANTHÉON 4 JUIN – 10 et 11 SEPT 1908
GRÉGORI – DREYFUS ET ZOLA DEVANT LE JURY
LA RÉVISION DE LA RÉVISION
PRÉFACE ET PORTRAIT DE GRÉGORI
COMPTE RENDU STÉNOGRAPHIÉ ET REVISÉ DES DÉBATS
AUX BUREAUX DE LA « LIBRE PAROLE »
14, Boulevand Montmartre, 14
PARIS
CET EXEMPLAIRE DE PROPAGANDE DOIT ÊTRE REMIS GRATUITEMENT


Page 41 (suite)

R.—Cela est exactement difficile, si l’on n’a pas la configuration des places, pour une scène que a duré deux minutes.
Considérez que j’arrive entre les deux premières banquettes qui sont devant moi, et que le commandant Dreyfus est situé au premier rang. Je tire mon premier coup de revolver à son bras.

D.—La position d’abord.

R.—Le commandant Dreyfus est sur la première banquette, je passe entre la première et la seconde.

D.—Face au catafalque ?

R.—Non. —Le cortège a commencé à défiler. Le commandant Dreyfus regarde défiler le cortège. Je ne puis l’empêcher d’avoir cette attitude. Je ne puis lui demander de se retourner. Du reste, ma manifestation ne devait rien avoir de dangereux pour lui. Je tire un coup de revolver dans la position où je pouvais l’aborder, étant convaincu que ce serait une manifestation sans aucun danger pour lui.

D.—Vous étiez derrière lui ?

R—Non, j’étais obliquement. Je reconstituerai avec une minutie complète la scène, et s’il n’y a pas d’inconvénients, avec Dreyfus lui-même.

D.—Je veux bien que le mouvement que fait le commandant Dreyfus pour suivre le cortège fasse que vous vous trouvez un peu de côté, mais vous vous êtes approché derrière lui ?

R.—Je ne puis en toute sincérité vous dire si j’étais rigoureusement derrière. Lorsque le commandant Dreyfus sera là, nous reconstituerons la scène, — sans faire passer le cortège, bien entendu, — je montrerai comment j’ai perpétré mon « formidable » attentat, vous verrez que je n’étais pas derrière lui, mais obliquement.

Page 42

D.—Vous êtes arrivé par derrière. Le mouvement qui a été fait pour sortir des rangs a fait que vous vous êtes trouvé obliquement. C’est possible.

R.—Il m’était difficile d’arriver devant, je n’aurais rien pu faire, et puis, c’était la disposition des lieux : j’ai pris le passage qui m’était offert dans les conditions d’imprécision et de rapidité que l’affaire comportait. Je ne puis dire si je suis passé devant ou derrière, j’ai pris le couloir entre deux banquettes pour arriver jusqu’à lui.

D.—Vous étiez porteur d’un revolver ?

R.—Parfaitement.

(…)

Page 43

D.—L’accusation dit que vous avez prémédité votre acte et acheté votre arme avec l’intention de vous en servir à la cérémonie du Panthéon. Je vois des points d’exclamation qui suivent les mots : « Accident évité ». Je les avais traduits ainsi : Quel présage ! l’accident aurait pu arriver. N’est-ce pas cela ?

R.—C’est peut-être exact ; je ne puis dire ni oui ni non, non pas pour me dérober. Cela m’est sorti de l’esprit.

D.—Vous n’êtes pas retourné dans le magasin où l’on avait fait une mauvaise affaire en reprenant une arme qui n’était pas d’une vente quotidienne. Le revolver nouveau que vous avez emporté, sans être une arme très brillante, — vous êtes chasseur, vous êtes journaliste militaire, — vous reconnaissez que c’était une arme meilleure. Et vous avez emporté aussi une boîte de cartouches. Comment ont-elles été choisies dans le magasin ?

Page 44

R.—J’ai demandé des cartouches, c’est bien simple; je n’ai pas demandé des cartouches qui fussent ce qu’on appelle de première qualité. De même que le revolver que j’avais rendu était de qualité secondaire, on me rendait troc pour troc une arme meilleure avec des cartouches de seconde qualité.

D.—C’est que je voulais vous faire dire. Y avait-il dans le choix des cartouches une intention ?

R.—Mon intention est manifeste. A supposer que rien n’arrivât à la traverse de mon projet d’exécution d’un geste contre la participation des troupes à la cérémonie du Panthéon (chose qui ne m’était point démontrée à ce moment,) je dis : « Ma manifestation sera faite, mais dans les conditions les plus inoffensives et les moins dangereuses pour mon objectif. »

D.—Prenez garde à l’importance des mots : la manifestation la moins dangereuse, il n’y avait qu’à acheter des cartouches à blanc. Dans les théâtres, où l’on consomme beaucoup de poudre, et où l’on tue peu de figurants, on a des cartouches qui font du bruit et qui ne tuent personne.

R.—Je n’ai pas pensé aux cartouches à blanc. Si cela était venu à ma pensée, je l’aurais fait peut-être ; j’ai pensé à des cartouches presque inoffensives.

D.—Une expertise a été faite. (…) On a fait des expériences de tir sur un cadavre que l’on a revêtu d’une manche de la redingote même de Dreyfus, la même étoffe, le même drap, le même linge, c’est-à-dire dans les conditions de similitude complète. On a tiré des balles qui restaient dans le barillet de votre revolver.

Page 45

R.—Trois sur cinq.

D.—Eh bien, la première balle tirée dans ces conditions a en un résultat spécial, il n’y a pas eu de pénétration complète ; la seconde, au contraire, tirée à la même distance, avec toutes les circonstances semblables, a eu une force de pénétration telle, que la perforation a été complète et le bras traversé de part en part.

R.—Je ne le crois pas. Je n’ai pas un souvenir assez complet de la procédure pour vouloir rectifier cette version. Dans tous les cas, ne serait-il pas juste de commencer par envisager les résultats des deux coups de revolver sur la personne de M. Alfred Dreyfus ? Les expériences sur le cadavre, je ne dis pas qu’elles soient du luxe, mais cela me paraît donner une couleur un peu dramatique à un incident qui n’avait pas cette portée.

(suite au prochain message)
Transcription André PAILLÉ

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